Maestro, une chaîne trop indépendante?

Publié le par sophie tournon

La chaîne de télévision "Maestro" (http://www.maestro.ge), dirigée par Mamouka Ghlonti, spécialisée dans les clips et les reality-show et qui n'émet que dans certaines villes (Tbilissi, Telavi, Gori et Roustavi), s'est vue refusée le droit d'émettre des émissions à caractère politique par la Commission nationale aux communications. La nature de l'émission "Profession journaliste" posait problème : émission d'information ou politique? La Commission a tranché pour la seconde réponse et argue que la chaîne ne possède pas la licence idoine (Civil Georgia, 08.04.2008, http://www.civil.ge/rus/article.php?id=16136&search=%CC%E0%FD%F1%F2%F0%EE).
Les relations problématiques avec cette Commission datent de plus d'un an déjà. Le 28 novembre 2007, la chaîne cessa d'émettre toute une journée suite à une "coupure" que Mamouka Ghlonti interpréta comme une tentative de mise au pas de la chaîne au ton trop libre. (Civil Georgia, 30.11.2007, http://www.civil.ge/rus/article.php?id=15015).
L'émission "Profession journaliste" semble avoir fait peur, car l'origine de la coupure aurait été un ordre issu du ministère de l'Intérieur et non un désaccord ou un problème technique de la société émettrice. Il aura fallu l'intervention de la présidente du Parlement pour que la chaîne puisse émettre de nouveau, selon Mamouka Ghlonti (Novyi Region, 01.02.2009, http://www.nregion.com/txt.php?i=18801). Le fait aussi que les journalistes qui présentent cette émission soient tous issus de la radio "Liberté", avatar géorgien de la radio "La Voix de l'Amérique" financée par les Etats-Unis, a pu apparaître comme un signe de tentative de création d'un nouveau media d'opposition au gouvernement.

Cette crainte justifiée a été confirmée et amplifiée par le tournant qu'a pris la chaîne en 2009. Parmi les investisseurs de la chaîne, le nom de l'ancienne présidente du Parlement et actuelle opposante au président Nino Bourdjanadze et celui de Utsnobi (Inconnu), chanteur et show-man populaire (de son vrai nom Guiorgui Gatchetchiladze), circulent. Utsnobi possède déjà la radio qui porte son nom, et est incidemment le frère du politicien Levan Gatchetchiladze, candidat défait aux dernières présidentielles.
Dès janvier 2009, l'émission "Cellule n°5" donne à la chaîne une popularité inattendue. Utsnobi s'est enfermé dans une cellule de prison reconsituée en studio et y vit en direct sous l'oeil de 4 caméras. Il explique son geste d'enfermement volontairele plus simplement du monde : la cellule symbolise la Géorgie, pays transformé en prison par le président Saakachvili. L'animateur de ce reality show d'un nouveau genre n'en sortira qu'une fois le pays libéré de son "geôlier", si possible avant la fin de son mandat présidentiel en 2013. Utsnobi, qui ne sort pas de sa cellule et ne voit ses proches qu'une fois par mois, reçoit parfois des invités de passage pour débattre de la situation politique du pays. Selon David Dartchiachvili, politologue et membre du parti présidentiel, cette émission critique est le signe évident que la géorgie n'est pas une dictature mais une démocratie (07.02.2009, http://www.newsru.com/world/07feb2009/camera.html). Mikhéil Saakachvili a lui-même admis regarder l'émission avec intérêt.

Toutefois, Mamouka Ghlonti affirme recevoir des menaces : l'émission, qui a ses inconditionnels, dérange manifestement : " "Maestro" peut être attaqué de diverses manières. Cela peut être une défaillance technique ou un problème de l'émetteur. Nous nous sentons réellement en danger du fait de l'agitation suscitée par nos émissions, dont sa plus populaire "la Cellule" " (Centre pour un journalisme de l'extrême, 9-15.02.2009, http://www.cjes.ru/bulletins/?lang=rus&bid=3273).   

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